Honorables sages,
Puisque l’honneur de porter la couronne ne me dispense pas de me présenter officiellement au monde, et ainsi jouir de l’ensemble de mes droits civiques, je m’adresse à vous.
Je suis né en l’an -7 de notre ère, de parents ayant fui la métropole d’Andante pour s’installer dans les colonies. A cette époque le Roi se montrait menaçant envers eux, ils étaient surveillés et je n’ai pas su pourquoi avant bien des années. Quoi qu’il en soit, ils sont arrivés parmi les premiers colons et ont participé à la création d’Euthéria.
Le jour de l’indépendance, mon père a participé à la prise du palais du gouverneur du roi, mais je ne crois pas qu’il soit parvenu à entrer. La foule était si dense ce jour-là. Si dense que cela n’a fait que très peu de victimes, la résistance était vaine. J’avais 7 ans à l’époque et je me souviens de ces gens qui marchaient devant ma maison, dans les hauteurs de Marmanda.
Puis j’ai grandi et je me suis passionné pour la politique, car l’occasion de participer à l’exercice du pouvoir me paraissait être un des plus hauts exploits que puisse enregistrer l’histoire. J’en suis devenu professionnel. D’abord conseiller à la commune de Marmanda, puis bourgmestre de la ville, alors capitale. Rapidement, j’ai estimé avoir suffisamment gagné en popularité et je me suis présenté aux élections législatives de la République d’Euthéria. Je n’oublierai jamais mes années de professionnel de la politique. Comment oublier ces foules venues écouter nos propositions pour le bien commun. C’était des événements de culture, de débat. Ils étaient parfois sévères mais je pense que le caractère nouveau de ce mode de décision politique poussait les autres candidats et élus à débattre avec ce que j’appellerais… une bienveillante agressivité.
Mes premières années à l’assemblée nationale, je ne les oublierai jamais. J’étais heureux de contribuer au développement de notre jeune Nation. Ma priorité était le développement économique, et je militais pour une liberté du commerce sous réserve qu’elle n’exclue pas les plus pauvres et les natifs. Mais je passais beaucoup de temps avec l’aristocratie de la ville et je m’assurais que les commerçants aient ce dont ils avaient besoin pour exercer dans de bonnes conditions. C’est cet effort qui, je crois, m’a permis de les garder à mes côtés malgré mes considérations sociales. En résumé, je pratiquais la politique du « juste milieu ».
Mais au fond de moi, une inquiétude ne disparaissait jamais. Zelaia. Zelaia, ancien ennemi de mes parents et de fait, de notre nouvelle nation, risquait de saisir une opportunité.
Laquelle ? Celle laissée par l’indépendance ! Depuis, nous ne sommes plus défendu par les légions d’Andante et notre économie, prospère, est encore naissante. Lorsque j’ai appris que le patriarcat de Levally s'était approprié nôtre conception de l’État-Nation, j’ai su qu’elle saisissait n’importe quelle opportunité pour reprendre sa capitale, contrôlée par notre république à cette époque.
A chaque fois qu’une nouvelle me parvenait de Zelaia, je m'empresserais de la communiquer au triumvirat. Mais à chaque fois je ne recevais pour réponse que le silence. A vrai dire je ne sais pas si le ministre Gautier, pour lequel j’ai un immense respect, recevait mes lettres.
Quoi qu'il en soit, je n’ai pas réussi à convaincre l’assemblée de mieux s’armer. Cet échec aura eu un prix terrible lorsqu’en l’an 16, Levally fut repris par ses habitants. La guerre, je l'ai subie dans les engrenages du pouvoir. Et là où la politique de paix se montre hargneuse mais bienveillante, la politique de la guerre n’est que colère, insulte et peur. Certains ont peur du combat, d’autres ont peur de voir la réalité en face. J’avais peur également. Mais comme beaucoup, j’avais anticipé cette situation ce qui m’a permis d’avoir beaucoup de recul.
C’est à peu près à cette époque que Belenor m’a informé de mon ascendance Royale, dans la lignée des Rois d’Andante. Une histoire de papier de succession mal interprétée, dans une langue inconnue. Quoi qu’il en soit, j'étais héritier légitime du trône d’un pays aujourd’hui, une république (l’Andante), alors que je n’en suis même pas citoyen. En clair, je n’ai trop su quoi faire de cette information. Mais les monarchistes d’Euthéria ont eu vent de cette situation, sans trop que je sache comment, ce qui a augmenté le soutien politique dont je bénéficiais.
J’ai peu à peu compris qu’il serait impossible de gagner cette guerre sans passer par la voie de la diplomatie. J’ai tenté de convaincre l’assemblée, mais n’ayant pas de véritable plan à proposer, je ne suis pas parvenu à convaincre la majorité.
Je me suis d’ailleurs rapproché de l’Amiral CharybdeBE, qui m’informait contre un peu d’argent, des secrets militaires sur les campagnes en cours. Il avait toute ma confiance, j’avais la sienne. Je savais donc vraiment quels étaient les risques.
Dès lors, il fallait mettre fin à la guerre. Soit nous arrêtions les frais, soit les Zelaiens nous auraient annihilé. Leur nombre et leur supériorité technologique était un véritable danger et compensait largement leur faible expérience militaire. Mais j’ai aussi compris, de mon échec à convaincre l’assemblée de se rallier à la paix, qu’un armistice est un rapport de force. Tel que la guerre était menée, de force, nous n’en n’avions aucune.
J’ai fait part de cette inquiétude à CharybdeBE qui m’a simplement indiqué avoir un plan. Un matin de l’an 17, un enfant a frappé à ma porte. Une dizaine d'années je dirais. Il m’a tendu un message avec le sceau de l’amiral CharybdeBE avec pour seul message, des coordonnées. En m’y rendant j’ai rencontré le Chef de guerre Kherdual et L’amiral, ainsi que quelques sous-officiers. Ils venaient de mettre au point un plan, non pour gagner la guerre, mais pour rétablir, du moins d’apparence, le rapport de force.
L’idée est que Zelaia n’est pas habitué à la guerre de sorte que la ruse semble possible. Il faut leur faire ressentir la peur. Leur capitale, qui a un aspect sacré à leurs yeux, devait être menacée. Il fallait assiéger coûte que coûte Levally et percer les lignes ennemies quitte à s’essouffler, pour leur faire croire que nous sommes plus forts que d’apparence.
J’ai écouté leur plan, je leur ai fait confiance. Mais je me doutais que sa mise en œuvre serait compliquée face à l’entêtement du triumvirat.
Pour soutenir au maximum cette stratégie, j’ai évoqué devant le parlement l’idée d’une ruse, pour renverser le rapport de force. Mais je ne pouvais trahir le secret du plan. Convaincre dans ces conditions était un véritable numéro d’équilibriste. Il fallait en dire assez, mais pas trop. J’ai obtenu une très courte majorité au soutien de cette stratégie. Le slogan « Qui ne tente rien, perdra tout ! » à fini par entrer dans les esprit. Mais la compétence militaire était entre les mains de l’état major, et du gouvernement. Ce soutien de mon assemblée ne pouvait que renforcer les tractation de Kherdual et CharybdeBE pour l’adoption de ce plan mais n’avait aucun effet directe sur la conduite de la guerre.
Deux semaines plus tard, j’ai reçu un courrier de l’Amiral. Il m’a fait part de la fin de non-recevoir qu’il a reçu du gouvernement. Si nous n'agissons pas nous même, la guerre est perdue. Impossible de simplement désobéir. Sans ordre direct, impossible de donner toute la voilure matérielle et humaine à la mise en œuvre de ce plan hautement risqué et coûteux en hommes. C’était décidé, il fallait renverser le gouvernement.
J’ai d’abord commencé par une levée de fonds auprès de l’aristocratie et des monarchistes. La raison n’est en effet pas aussi efficace qu’une villa au bord de la mer Caldius pour convaincre les gens de changer d’allégeance.
Concernant les monarchistes, leur soutien était conditionné. Je devais rétablir la lignée royale sur le trône des ex-andantiens. Autrement dit, je devais rétablir la monarchie en Euthéria. Je suis un enfant de la démocratie, mais soit.
Ensuite, il me fallait des alliés. Je me suis assuré du soutien de l’armée dans mon entreprise. Le maréchal Khedual m’a indiqué être proche d’un sous-officier de la garde républicaine. Un certain Siracus. Je suis allé à sa rencontre et après de longs échanges, j’ai fini par le convaincre de me soutenir, contre la promesse de le nommer chef de ma garde personnelle en cas de succès, et contre une solde conséquente.
J’avais l’argent, j’avais le soutien de l’aristocratie et des royalistes. J’avais le soutien d’une partie de l’armée restée protéger la capitale. Il ne manquait plus qu’un prétexte.
Celui-ci est venu de façon… Très inattendue. Du jour au lendemain des choses surnaturelles se sont déroulées. Des choses que je n’avais jamais vu. Des squelettes et des morts ont commencé à apparaître autour des villes mais se gardaient bien d’y entrer. Je crois qu’ils craignaient la lumière. J’ai rapidement appris que ces choses apparaissent au front mais également de l’autre côté de nos lignes. Heureusement, ils sont faciles à tuer et nous étions tous suffisamment armés par la guerre pour garder ces horreurs sous contrôle.
Mais c’était la goutte d’eau qui fit déborder l’amphore. Le peuple d’Euthéria ne voulait plus de la guerre. Ils avaient peur et voulaient que leurs familles soient réunies pour se défendre de ses créatures. Ils voulaient manger de nouveau à leur faim, revivre.
Il ne fut donc pas difficile de les convaincre d’envahir les rues de la ville jusqu’à l’Impérium d’Elysium. Profitant des heurs et du chaos, j’ai pu entrer, escorté par Siracus lui-même dans le bâtiment jusqu’au bureau de Gautier.
En entrant, j’ai vu un homme calme. Un grand homme complètement dépassé par les évènements. Il avait connu la gloire d’une jeune république et il a vu en 3 ans le pays qu’il avait bâti se rapprocher du gouffre. Un gouffre de monstres, de guerre, de faim, de sang. C’est en toute dignité que je lui ai demandé de laisser son pouvoir. Il connaissait très bien mon intention et m’a dit qu’il préférerait mourir que de voir la République redevenir une monarchie absolue comme au temps de l’Andante. Je l’ai rassuré sur ce point, mais il m’a tout de même fait promettre de doter le nouveau régime d’une constitution. « Je le jure ». A ces mots, l’ancien avocat s'est levé, est allé chercher son écharpe bleu, rouge et or et me l’a remis. Je lui ai alors tendu le PV de démission qu’il a signé. Puis il m’a tourné le dos, et a quitté la pièce. J’ai alors donné l’ordre à Siracus d’assurer sa sécurité afin qu’il ne soit pas blessé par la foule.
L’archimage Belenor, qui m’a accompagné dans cette démarche, c’est alors saisi du document est c’est présenté au balcon. Il a alors proclamé la démission du gouvernement, a rappelé ma légitimité et a alors proclamé officiellement la naissance de l’Empire. J’ai cru entendre évoquer les monstres, la perspective d’une paix également. Quant à moi je me suis approché des fenêtres. J’avais peur d’y voir une foule en colère, j’y ai vu une foule pleine d’espoir. Je crois que les mots de Belenor ont su les apaiser. J’ai alors salué la foule mais je n’ai prononcé aucun mot. La foule a alors fait silence.Je suis resté silencieux, réalisant le poids de responsabilité et l’ampleur de cette tâche. J’ai été incapable de briser le vacarme du bruit du vent, impressionné par cette foule qui me regardait. J’étais habitué à cela lorsque j’étais député. Mais pas comme ça. Pas alors que tout reposait sur moi et que le salut de tout un peuple, mon peuple, dépendrait de mes prochains mots. Je n’eu pas le temps de me ressaisir puisque rapidement une voix puis des centaines brisaient le silence. « Vive l’empereur » disaient-ils.
J’ai alors compris qu'à leurs yeux j’étais légitime à me trouver ici. J’ai alors prononcé un discours. Je n’ai pas disserté sur la situation et les événements passés. Non. Pas le temps pour de telles choses. Il était temps d’appeler à l’action. C’est ce que nous voulions tous. J’ai appelé à continuer le combat, j’ai fait part à tous de la mise en œuvre prochaine du plan de l’Amiral et du Maréchal. Je leur ai fait une promesse que je savais être capable de tenir. J’ai alors vu la détermination dans leurs yeux, la colère contre Zalaia. Ils n’avaient plus peur, ils voulaient tous agir. J’ai alors quitté le balcon, avant d’adresser l’ordre de mettre en œuvre le plan à l’Etat major, avec l’acte de démission du gouvernement en pièce jointe.
Voilà qui je suis. J'espère que cette présentation saura vous satisfaire.
Veuillez agréer, Honorables sages, l'expression de ma plus haute considération.